On entend par fonctions les « actions qui ont lieu naturellement dans les zones humides, résultantes d’interactions entre la structure de l’écosystème et les processus physiques, chimiques et biologiques » (Maltby et al. 1996). On considère également que les fonctions sont « les activités normales, caractéristiques de l’écosystème ou simplement ce que font les zones humides. » (Smith et al. 1995)
La réalisation des fonctions dans une zone humide est dépendante de la structure de la zone humide (organisation dans l’espace), des processus physiques, chimiques et biologiques ainsi que de sa position dans le bassin versant et de ses critères hydrogéomorphologiques (Aidoud et Clément 2014 ; Gayet et al. 2016).
On va en retrouver trois principales : hydrologiques, physiques et biogéochimiques et des fonctions écologiques/biologiques.
Les zones humides assurent un rôle important dans la régulation du cycle d’eau. De par leurs caractéristiques, elles sont en capacités de capter et stocker de grands volumes d’eau, comme des éponges. Cela va être notamment le cas lors des crues lorsque l’eau déborde des cours d’eau. Par la suite, elles vont être en capacité de stocker cette eau pendant de longues périodes en la redistribuant de manière progressive dans les cours d’eau. Enfin les zones humides sont généralement assez bien connectées avec les eaux souterraines dont les nappes phréatiques, l’eau qu’elles stockent va permettre d’alimenter ces nappes pendant une grande partie de l’année.
Au niveau des zones humides, la présence de l’eau de manière fluctuante favorise une végétation importante. Il y a des transferts importants d’eau avec l’atmosphère grâce à l’évapotranspiration de ces végétaux. L’eau étant un élément fondamental de la vie sur Terre, ces milieux gorgés d’eau vont permettre le développement des plantes/des animaux et donc assurer les différents transferts d’eau.
L’eau apporte et dépose au sein des zones humides de grandes quantités de matières organiques et minérales grâce aux cours d’eau, aux ruisseaux, et aux différents ruissellements. Cela peut être du sable, du limon, des nitrates, du phosphore mais aussi des pesticides. Ces éléments vont être stockés pendant des périodes plus au moins longues selon les milieux. Ils seront déplacés, remobilisés, notamment lors des grandes crues, des tempêtes, plus en aval par exemple des cours d’eau. Tous ces éléments peuvent ensuite être transformés par les végétaux et les micro-organismes qui s’en servent pour leur développement (nitrates, phosphates).
Ce stockage de matière va être également amplifié physiquement par la présence de la végétation dont les racines vont stabiliser le sol, le contenir et donc limiter l’érosion. Enfin les zones humides agissent comme un filtre naturel, en stoppant l’avancée des particules, de la matière en suspension, et en piégeant des éléments comme l’azote, le phosphore ou le carbone. Ainsi l’eau en sortie de zone humide est filtrée, débarrassée d’un certains nombres d’éléments (mais cela dépend surtout de l’état de la zone humide et de la période de transit de l’eau dans la zone humide).
Les zones humides sont des espaces d’une richesse biologique exceptionnelle, lié à la présence de l’eau et des différentes fonctions précédentes. La complexité des milieux, la nature du sol, les variations de présence de l’eau, nécessitent de nombreuses adaptations des espèces. Il va y avoir une grande richesse au niveau de :
– la production biologique : La grande majorité de ces milieux humides (marais, estuaires, mangroves, etc.) sont ainsi considérés comme les milieux les plus productifs de la planète, c’est-à-dire qu’il y a production très importante de matière organique.
– la diversité écologique : la grande variété de milieux humides entrainent des cortèges d’espèces de la flore et de la faune tout aussi différents les uns des autres.
– la diversité spécifique : les zones humides ne couvrent que 6,4 % de la surface des continents, pourtant elles hébergent 12 à 15 % du nombre d’espèces animales de la planète, dont (hors océans), 35 à 40 % des vertébrés, 40 % des poissons, 100 % des amphibiens et 25 % des mollusques. Ainsi, en France, 30% des espèces végétales remarquables et menacées vivent dans les milieux humides, environ 50% des espèces d’oiseaux dépendent de ces zones.
– la diversité interspécifique : Au sein même de chaque espèce, les particularités des milieux humides, leur isolement et leur variation ont demandé des adaptations menant à l’apparition de sous-espèces, voire de nouvelles espèces.
Pour en savoir plus : http://zones-humides.org/interets/fonctions
Le service est souvent assimilé avec la notion de fonction. Le service est pourtant une perception humaine de l’effet et de la résultante de la fonction. Par exemple, la fonction « épuration des eaux » est en réalité le produit et sa perception par la société (le service rendu) de la fonction « rétention des nutriments » (Rapin A. et al., AERMC, 2021)
Un service se définit comme un bénéfice que les humains obtiennent des écosystèmes directement ou indirectement, pour assurer leur bien-être (Millenium Ecosystem Assessment 2005). La notion de services écosystémiques qui sont appréciés par l’évaluation économique des services rendus par les écosystèmes en terme de coût-bénéfice et mêlant à la fois des éléments d’économie, écologie et sociale (Costanza et al. 1997, 2014). Ils se décomposent en services de production, régulation, d’habitat et culturels.
Il y a 3 grandes catégories de services : approvisionnement, régulation, culturels et sociaux
Les milieux humides fournissent des produits indispensables à la société tels que : l’eau. C’est une ressource précieuse dans les nappes et cours d’eau qui va être mobilisée pour la consommation d’eau potable et les activités industrielles et agricoles. Il y a aussi un ensemble de biens. Ces produits peuvent être des matières premières utilisées par exemple pour la construction (bois, roseaux…), l’artisanat (vannerie, poterie…) ou le chauffage (bois de feu, tourbe). La production des milieux humides peut également être issue de l’agriculture ou de l’élevage, pour l’alimentation humaine et animale : production agricole (herbage, pâturage, riz, fruits, produits maraîchers, sel, cressonnières, exploitation forestière, roseaux…), production piscicole (pêche, pisciculture, crustacés), production conchylicole (moules, huîtres, coquillages…). Ainsi par exemple les services écosystémiques fournis par les prairies humides de France métropolitaine sont évalués entre 1 100 et 4600€ par hectare et par an.
Il existe de nombreux services de régulation. Il va y avoir tout d’abord une régulation au niveau de la qualité de l’eau grâce à l’épuration de l’eau dans les milieux humides. Les milieux humides sont des zones tampons, capables de purifier l’eau en piégeant ou transformant les éléments nutritifs en excès, les particules fines ainsi que certains polluants, grâces à des processus physiques, géochimiques et biologiques. Les dommages annuels liés à la pollution de l’eau (surcoût du traitement, perte de production, coûts de santé…) sont estimés à plus de 3 milliards d’€, soit 0,3% du PIB.
Les plaines inondables jouent le rôle de réservoir naturel et contribuent ainsi à la prévention contre les inondations. Par leur capacité de rétention de l’eau, les milieux humides diminuent l’intensité des crues. Les zones humides jouent également un rôle dans la stabilisation et la protection des sols : la végétation, adaptée à ce type de milieu fixe les berges, les rivages. Elle participe à la protection des terres contre l’érosion et freine la vitesse du courant lors de crues.
Les milieux humides soutiennent les débits des cours d’eau en période d’étiage (basses eaux). L’eau accumulée pendant les périodes pluvieuses ou lors d’évènements météorologiques exceptionnels continuera d’alimenter progressivement les nappes phréatiques et les cours d’eau pendant les périodes sèches. Les zones humides jouent donc un rôle important notamment en tête de bassin versant.
En tant que puits de carbone naturels, les milieux humides atténuent le réchauffement climatique global. De manière générale, le carbone est séquestré par la végétation, via la photosynthèse. Les milieux humides influent le climat aussi localement par les phénomènes de transpiration des végétaux. De plus, à condition qu’elles ne soient pas dégradées, les tourbières ont un rôle primordial : la transformation progressive de la végétation en tourbe, accumule pendant des milliers d’années des quantités importantes de carbone. À l’échelle mondiale, les tourbières ne couvrent que 3 % de la surface terrestre mais stockent deux fois plus de carbone que les forêts (qui représentent 30 % de la surface terrestre). Si on donnait une valeur au carbone contenu dans le sol des tourbières, un hectare vaudrait environ 150 000€.
Les milieux humides regorgent de vie, ce sont souvent des lieux importants pour de grandes civilisations. Les estuaires, les deltas et les rivières ont accueilli ports et places commerciales depuis des millénaires. Les peuples vivants le long des côtes et des cours d’eau ont construit des relations étroites avec ces espaces naturels.
La qualité paysagère des milieux humides n’est plus à démontrer ce qui en fait des espaces de loisirs et de partage importants. Il existe un véritable intérêt de la population pour les randonnées, les balades du dimanche, la pêche de loisirs, la chasse, certains sports aquatiques, les baignades, etc. Cela génère une activité touristique importante avec une forte fréquentation (baie du Mont Saint-Michel, les grands lacs intérieurs, les franges littorales de l’Atlantique et de la Méditerranée) et toute une économie parallèle.
En savoir plus : http://www.zones-humides.org/interets/services-rendus
Les zones humides disparaissent trois fois plus vite que les forêts. Au cours du siècle dernier, plus de 50% des zones humides en Europe et dans le monde a disparu (CEE, 1995). En France on a aussi la disparition de 50% de la surface des ZH entre 1960 et 1990, avec un ralentissement de la tendance de régression entre 1990 et 2010.
Moins de 20% des zones humides sont protégées dans le monde. Plus de 25% des espèces des zones humides sont en danger d’extinction. 7 % des habitats humides sont considérés comme ayant un état de conservation favorable, tandis que 51% des habitats humides sont considérés comme ayant un état de conservation défavorable à mauvais (ONB).
Cette disparition est liée aux activités humaines. Les zones humides ont souvent été détruites ou profondément modifiées pour répondre à un intérêt plutôt global de la société comme le transport, l’urbanisation, l’agriculture. Souvent considérées comme des milieux infâmes, maudits, sources de légendes et mythes, les zones humides ont été asséchées radicalement pendant des siècles.
L’urbanisation représente aujourd’hui l’une des causes majeures de la destruction des zones humides. Elle consomme environ 60000 hectares par an en France. L’urbanisation et les aménagements associés se traduisent par une imperméabilisation des sols, des remblaiements, drainages, etc. qui entraînent la perte pure et simple des zones humides et de leur fonctionnement.
Pendant des siècles, une agriculture raisonnée en zones humides a permis d’avoir un réel équilibre entre la préservation de la biodiversité et le maintien d’une économie agricole. Le pâturage et la fauche sont par exemple des modes de gestion, favorables à de nombreuses espèces de la flore et de la faune et permet de lutter contre la fermeture des milieux. Cependant, ces dernières décennies, la forte intensification des pratiques culturales (liés aux progrès technologiques et aux politiques d’aménagement rural), s’est fait aux dépens des milieux naturels.
Ces évolutions ont entraîné la dégradation de nombreux milieux humides, voire leur disparition : assèchement par drainage, transformation des prairies en labours, eutrophisation (apports excessifs d’engrais), augmentation de la fréquence de fauche des prairies, rectification de ruisseaux, etc.
L’intensification de l’aquaculture et de la conchyliculture dans certaines régions ont aussi entrainé des profondes modifications des fonctionnements naturels des zones humides.
Dans leur grande majorité, les cours d’eau français ne sont pas « naturels ». La plupart des cours d’eau ont fait l’objet de profondes modifications. Des aménagements lourds ont été construits pour protéger les villes des inondations, ou gagner des terres agricoles fertiles, on a creusé des canaux, créé ou déplacé des plans d’eau, construit des barrages pour réguler les débits ou produire de l’électricité… Toutes ces interventions perturbent profondément le fonctionnement hydraulique et écologique des cours d’eau.
Il y aussi d’autres menaces comme le prélèvement important et excessif de l’eau pour l’agriculture, l’industrie, les énergies, l’extraction de matériaux dans les cours d’eaux par exemple. Ou encore l’arrivée d’espèces d’exotiques envahissantes dans les milieux naturels.
Source : http://www.zones-humides.org/milieux-en-danger